Innovation incrémentale et pricing : zoom sur un cas d’école

Zoom sur un cas d’école : l’Iphone.

La success story de l’Iphone illustre très bien la variété et l’évolution possible des stratégies prix.

Au départ de cette saga : une innovation disruptive réussie lancée en 2007. Pourtant Apple n’a pas inventé le Smartphone : IBM a lancé le tout premier en 1994 (soit 13 ans avant) et les principaux fabricants comme Nokia, LG, Samsung, Blackberry ou Sagem avaient déjà lancé des produits au début des années 2000 et même développé l’écran tactile (Sagem en 2001). Mais aucun n’a réussi comme Apple. Depuis la marque à la pomme a créé une véritable série à succès d’innovations incrémentales amenées par chaque génération à une fréquence « cadencée » quasi annuelle.

Ce fût une disruption « par le haut » et une contribution décisive au parcours boursier d’Apple (cours multiplié par plus que 30 !). Ce produit inédit dans le portefeuille produit de la marque représente aujourd’hui plus de 50% du chiffres d’affaires colossal de la marque alors que les ordinateurs qui sont pourtant le métier d’origine dépassent à peine 10%.

Revenons au prix : l’Iphone 1 a été introduit à 499 US$ (P0, USA). Cette somme pouvait paraître extravagante pour un appareil qui n’avait même pas la 3G et sur un marché du téléphone portable de masse dominé par des téléphones basiques vendus quelques dizaines de dollars pièce (comme le best-seller Nokia 1100). Le prix P0 de lancement a constitué probablement un ancrage psychologique fort pour la suite de l’histoire. Les générations suivantes ont connu à chaque incrément :

  • soit des hausses de prix de l’ordre de +15% par rapport aux précédentes de l’année antérieure
  • soit de 0% MAIS assorties d’une version améliorée dont le prix allait de +8 à +15%.

En regardant plus finement on s’aperçoit qu’au fil de l’histoire le produit est devenu une gamme :

  • Des versions « économiques » (anciennes gammes remises au goût du jour, donc pas vraiment innovantes) ont fait leur apparition : elle étaient vendues -15% jusqu’à -39% sous le P0. Elles ont permis d’élargir la base client mondiale. En maintenant longtemps un ancien best seller au catalogue cela a probablement limité l’effet d’obsolescence perçue.
  • Plus le temps a passé, plus la valorisation de l’innovation incrémentale des nouveaux modèles a été augmentée par rapport au modèle de base de l’année antérieure : +54% pour la version X en 2017 et même +57% pour le 11 pro max en 2019 ! Cela n’a pas dissuadé les clients fans et a continué à pousser la marque vers le haut alors que la concurrence se développait (alors que généralement l’accroissement de la concurrence tire plutôt les prix vers le bas).

Chacun des segments a donc été bien pensé et optimisé. Soulignons aussi une forme de constance dans la politique de prix : des hausses incrémentales pour valoriser l’innovation et les prestations, un modèle ancien plus économique et non innovant, des prix simples, fermes et toujours la mémoire optionnelle (facturée au prix fort contrairement aux concurrents qui laissaient aux clients la possibilité d’insérer leur carte mémoire). En 2021 le modèle Xr coûte toujours le même prix que son 1er ancêtre à 499 $ (le P0), le SE assure toujours l’entrée de gamme à 399 $ et le « tech fan » qui recherche le plus haut de gamme déboursera 1399 $ pour avoir le modèle 12pro max avec le maximum de mémoire. Cet écart de valorisation de la gamme est impressionnant car il représente +250% alors que cela reste un produit de grande série sans personnalisation (la couleur et la mémoire étant des options d’usine).

Auteur de l’article : Pascal Doreau

Première date de publication : 9 février 2021

Photo : TronLe on Unsplash